Quand un homme de 90 ans fait revivre l’Algérie des solidarités oubliées

Un récit ancré dans la terre, la mémoire, les odeurs

Certains livres nous racontent une époque. D’autres, une terre. Celui-ci fait les deux — et plus encore. Dans Saveurs partagées, parfums perdus et retrouvés, l’auteur, nonagénaire, nous entraîne dans un voyage sensoriel au cœur des Aurès, dans le village de Menâa. Plus qu’un lieu, une mémoire vivante.

Ce récit est une main tendue. Un acte d’amour. Une transmission familiale autant qu’un témoignage historique alternatif.

🧠 Ce que l’Histoire oublie, le corps s’en souvient

Pas de grandes dates. Pas de traités. Mais des images, des sons, des odeurs. L’odeur du genévrier qui chauffe. La galette qui dore. Les murs d’argile séchés au soleil. Le berbère parlé à voix basse.

Et surtout, la vie quotidienne d’un village partagé entre Chaouis et Européens, dans une Algérie des années 30 à 60.

L’auteur choisit de raconter la nuance. Celle qui n’entre jamais dans les manuels d’histoire. Celle d’un quotidien fait de voisinages, de conflits parfois, mais surtout de solidarité, de cohabitation, de liens.

✍️ Une langue simple, précise, mais habitée

L’écriture est fluide, directe, sans effet. Elle n’a pas besoin d’en faire plus : la vérité suffit. Tout au long du livre, c’est une voix qu’on entend. Celle d’un homme qui se souvient.

Qui veut partager, non pour se raconter, mais pour laisser une trace, pour réparer une image parfois injustement figée.

“On a dit que nous nous combattions. Moi, je veux dire qu’on s’entrevivait.”

📘 Un livre entre témoignage et patrimoine

Ce récit est à la fois :

  • Un document historique, racontant l’Algérie rurale à hauteur d’homme
  • Un hommage familial, pour les descendants qui ignorent parfois tout de ce pan de leur histoire
  • Un acte de transmission culturelle, autour d’une langue, d’un territoire, d’un vivre-ensemble fragile mais réel

Et surtout, c’est une tentative de rendre justice à une mémoire oubliée. Celle des liens ténus mais sincères entre des populations que l’histoire officielle a souvent opposées.

📖 Ce qu’il nous reste à lire

Il nous reste peu de récits comme celui-ci. Les témoins directs de ces années s’éteignent. Et avec eux, des centaines d’histoires jamais racontées. Des nuances perdues. Des savoirs sensoriels, culturels, affectifs, disparus.

Ce livre fait partie des rares voix préservées. Et sa lecture donne envie, à son tour, de faire parler les anciens. De prendre un stylo. Un micro. Une caméra. Pour que d’autres “saveurs partagées” ne soient pas définitivement oubliées.

En conclusion

Saveurs partagées est un récit rare, précieux, lucide. Un témoignage sans nostalgie, mais avec tendresse. Une mémoire incarnée dans les choses simples : un pain, une rue, une langue.

Et si écrire sa vie, c’était aussi donner à l’Histoire une chance de s’enrichir ?